Giscard fut le premier président à déclarer publiquement, dès 1974, son souhait d’une société mondialisée.

“L’interchangeable est non seulement la condition du fonctionnement du monde globalisé, mais, si l’on ose dire, en profanant un mot si noble, sa vocation. Ce monde fonctionne par l’interchangeable et pour l’interchangeable, c’est à dire contre le sentiment tragique qui accompagne la joie vivante du caractère irremplaçable des êtres et des choses [..]. Par la généralisation de l’interchangeable, les Modernes cultivent l’illusion de vaincre la mort en nous précipitant dans un monde à sa ressemblance. Ainsi veut triompher la sécurité fallacieuse de l’ennui, en se départissant d’un même mouvement du tragique et de la joie. “

Cet extrait de “Propos réfractaires” de Luc-Olivier d’Algange révèle l’objectif inavoué de ces politiques : établir un ordre mondial uniformisé, gommer les cultures locales pour faire du monde un vaste centre commercial où les clients sont invités par le slogan “venez comme vous êtes”, le marketing de niche s’occupera des particularismes et le marketing de masse servira la production de masse. Les gouvernements locaux seront dépossédés graduellement de leur pouvoirs au profit du gouvernement du monde. La fréquentation de Davos, l’hiver, donne l’illusion aux mondialistes non seulement que ce gouvernement du monde pourrait exister mais aussi qu’ils seraient dignes d’en faire partie.

Un corollaire de cette dystopie est le natalisme, c’est à dire l’incapacité à accepter la conséquence d’un allongement de l’espérance de vie, à savoir le vieillissement de la population. Les mondialistes préfèrent les jeunes qui consomment davantage, surtout quand ils ont de jeunes enfants. Avec une natalité maitrisée, il n’y aurait pas vraiment moins de jeunes mais ils représenteraient un pourcentage plus faible de la population générale. Or cette perspective effraie les mondialistes. Ainsi le système de protection sociale à la française fonctionne par répartition. Schématiquement, les actifs payent pour les retraités. Résultat : l’équilibre des comptes sociaux serait menacé si les gains de productivité ne compensaient pas la raréfaction des actifs. Il se fait que depuis une dizaine d’années, le nombre de naissances baisse en France. Le pays est passé de 830.000 à 725.000 naissances par an entre 2010 et 2022, selon l’Insee. Et en 2023, le décrochage est encore plus fort, avec une baisse de 7 % par rapport à 2022. Rappelons qu’en dessous de 2,07 enfants par femme, la population commence à décroitre à long terme. Par ailleurs, les gens après 60 ans reçoivent davantage de prestations sociales (retraites, santé, dépendance) que les jeunes actifs, ce qui amplifie l’effet du vieillissement relatif de la population.

Les deux leviers que sont l’IA et la frugalité permettraient d’échapper à cette tenaille. L’IA est à la fois l’électrification des processus et la robotisation des tâches, tout en utilisant les données collectées pour apprendre et se perfectionner. La frugalité consiste à modérer notre appétit pour les choses nouvelles afin de préserver l’accès aux choses essentielles. Où et comment les gains de productivité liés à l’IA vont ils s’appliquer ? Soutenir l’émergence d’un monde plus frugal et moins jeune ou poursuivre la croissance de la population et de la consommation ?

En décembre 2023, à l’occasion du vote de la loi immigration, le président du Medef, Patrick Martin, s’est clairement exprimé (sur radio Classique) pour la deuxième option : « Dans les pays nordiques où le débat a été posé objectivement, ce ne sont pas les patrons qui demandent massivement de l’immigration, c’est l’économie. D’ici à 2050, nous aurons besoin, sauf à réinventer notre modèle social, sauf à réinventer notre modèle économique, de 3,9 millions de salariés étrangers » hors de l’Union européenne puisque « tous les pays de l’UE sont confrontés au même problème démographique ». Dans cette logique mondialiste, remarquez que le soit disant “besoin de millions de salariés étrangers” est attribué commodément à une entité abstraite qui n’existe pas : l’économie. La logique devient du coup indiscutable car on ne discute pas avec l’économie.

Si on parlait du besoin des peuples ou, pire pour le Medef, de leur envie, il faudrait les consulter, ce que les mondialistes préfèrent éviter. D’ailleurs, quand il y a, par exemple, un referendum, les résultats du vote sont copieusement baffoués dans une sorte de coup double: les mondialistes parviennent à leurs fins et , en plus, ils peuvent dire que le peuple a été consulté. Une démocratie où le peuple est consulté mais pas écouté est un régime de consultants où McKinsey fait la loi. Avec la dilution de la valeur travail consécutive à la création monétaire débridée, les salaires des métiers (agriculture, santé, éducation,sécurité) ne sont plus assez attractifs tandis que, comparativement, les salaires des gestionnaires (banquiers, consultants, haut fonctionnaires) sont tirés vers le haut par l’effet Cantillon. C’est pourquoi le Medef et son “économie”, et non les peuples, ont besoin de main d’oeuvre importée bon marché. Ils n’ont pas besoin de la culture locale mais au contraire, souhaitent la remplacer par une absence de culture, un gloubi boulga mondialisé qui tiendra lieu de culture à des consommateurs dociles de produits standardisés. Les allées d’un centre commercial à Doha sont indistinguables de celles de New York, de Paris ou de Tokyo.

Du point de vue thermodynamique, la créolisation de la société, l’effacement de la culture régionale ou locale et son remplacement par une sous-culture mondialiste peut être vue comme une réduction d’entropie à l’échelle de l’espèce. Si il n’y a plus que la soupe culturelle mondialiste, il n’y a plus de friction entre les cultures. On aboutit à la sécurité fallacieuse de l’ennui comme l’écrit L-O d’Algange cité plus haut. Mais les cultures occidentales, moyen-orientales et orientales ne convergent pas. Quand les cultures coexistent sans converger, quand il n’y a pas d’assimilation avec la culture locale, la sélection naturelle s’applique avec toute sa violence. Et si il faut garder le meilleur et rejeter le pire de chacune d’elles, personne n’a la légitimité et encore moins l’autorité pour faire le tri. Le gouvernement du monde n’existe pas et, pendant ce temps, le WEF et son écurie de “young global leaders”, comme Macron, expédient les affaires courantes.

Extrait de “L’énergie, face cachée de la monnaie.” à paraître fin mars chez Konsensus.network, disponible en précommande ici